Répression du mouvement

social et étudiant à Nanterre

 

 

Le président de l’Université de Nanterre a, par voie d’affichage et de propagande officielle, diffusé une version des faits qui se sont déroulés le mercredi matin 27 novembre. Puisque mis en cause, nous souhaitons par ce communiqué exercer notre droit de réponse, et relancer la mobilisation spontanée les étudiants qui ont assisté à notre arrestation, ainsi que celle de nombreuses personnes extérieures à la Fac.

Notre parole et la leur…

Le Président, dans la journée du 28 novembre, a diffusé l’information selon laquelle les personnes interpellées sont encore en garde à vue. Il y a un petit air de satisfaction dans ses mots, cette petite voix lénifiante qui nous susurre que l’Ordre veille, que les méchants sont mis « hors d’état de nuire », que les gentils pourront dormir sereinement tant qu’il y aura des prisons…

Un autre communiqué souligne que les personnes en cause ne font pas partie de la Fac : entre une vision rétrograde de l’Université et du savoir, monopolisables par les profs et les étudiants – inscrits en bonne et due forme –, et une judicieuse réactivation de la menace du « danger extérieur », la désinformation ne s’embarrasse pas d’une argumentation aux relents bourgeois et fascistes ! On nous répondra qu’existent à la Fac des moyens d’expression légaux… Mais que sont devenues les quelques 200 affiches appelant à la grève générale et à l’occupation, collées le lundi précédent ? Décollées systématiquement par les sbires de la Direction ! Il n’y a rien de telle pour faire taire la contestation que la démocratie formelle : des élus étudiants représentants aux mieux qu’eux-mêmes, au pire des intérêts partisans !

Voici ce qui s’est réellement passé : lors d’un appel à la grève générale et à l’occupation de l’Université de Nanterre, une banderole a été déployée par les fenêtres, ainsi visible de tous ceux qui traversaient la Fac. Des vigiles ayant essayé de s’en emparer d’une fenêtre voisine, l’un d’entre eux a reçu du gaz lacrymogène. Les forces de l’ordre sont alors intervenues à l’appel de l’Administration : pour neuf personnes arrêtées, une cinquantaine de policiers ont bouclé l’accès au bâtiment et fait une haie (pas d’honneur, merci bien !) entre la salle occupée et les fourgons, en présence d’un inévitable guerrier bleu avec son flashball au poing ! Placés en garde à vue au Commissariat de Nanterre et d’abord inculpés pour « violences en réunion », nous avons été interrogés par la Brigade de la Sureté Urbaine (BSU), dépendant directement de la Préfecture de Police. Les policiers voulaient absolument nous faire avouer lequel d’entre nous était à l’origine du « gazage » du vigile. Notre refus de baver s’est payé par une garde à vue prolongée jusqu’aux limites légales : 48 h… et finalement, la seule inculpation retenue à l’encontre d’un camarade est celle de port d’armes de la sixième catégorie (bombe lacrimo et couteau).

Même pas peur !

Ce qu’il y a d’incroyable et surtout d’illégitime, ce n’est pas notre action, c’est la réaction de l’Université, et surtout qu’une répression pareille soit de nos jours tout simplement possible… Ils veulent définitivement en finir avec les dernières traces contestataires à Nanterre, faire taire les agitateurs… Même si la tournure réactionnaire n’est pas spécifique à la Fac, elle n’en est pas moins exemplaire et spectaculaire. Mais il faudra alors que le Président de la Fac prenne conscience qu’il existe des armes bien plus dangereuses que celles qu’il cite, notamment la lobotomisation systématiquement organisée des étudiants ou la stigmatisation (criminelle) des empêcheurs de penser-en-rond, bref autant d’atteintes caractérisées à la capacité d’autonomie et de réflexion des individus.

En nous inculpant pour « violences collectives », en sachant pertinemment qu’il n’y avait pas neuf doigts sur la bombe lacrimo, la Justice s’est prévalue de la notion de « responsabilité collective »… C’est sacrément culotté de la part de personnes qui, sous couvert d’uniformes et d’une hiérarchie servile, sont les collaborateurs – forcément irresponsables, eux ! – d’un système barbare.

Les policiers se sont toujours clairement rangés dans le camps de ceux qui, comme Goethe, préfèrent « une injustice à un désordre ». Ceux-là seront toujours des ennemis, et c’est pour cela que nous considérons que ce qui s’est passé n’est pas un échec, juste un dévoilement du rapport de forces. Nous croyons possible d’engager une discussion et mobilisation avec les étudiant(e)s. Il sera important également de rester vigilant quant au sort réservé pour notre camarade inculpé de port d’armes.

L’Etat a dévoilé son vrai visage : l’intolérance à toute parole contestataire.

L’Université a rempli sa réelle fonction : la continuation sournoise de la pacification sociale.

ni victimes, ni vaincus : nous sommes toujours décidés à lutter contre le flicage et la marchandisation !

Nanterre, le 29 novembre 2002.

 

Gwenola